Le judo est un art martial qui vient d'anciennes techniques de combat et c'est peut-être la raison pour laquelle les aveugles y ont un certain succès grâce à leur extrême perception des rapports avec les autres.
Que ce soit en compétition ou dans la pratique des katas, leur grande concentration leur permet de rivaliser avec succès avec les judokas voyants.
Le développement du judo pour les déficients visuels a pris un essor considérable après que la Fédération du sport pour aveugle ait intégré le judo comme discipline officielle aux jeux paralympiques de Séoul en 1986.
La France a très vite brillé dans ses résultats internationaux, avec en point d'orgue son titre de championne du monde par équipe à Madrid en 1998, en battant en finale l'équipe Japonaise. Aux jeux de Sydney, les sept garçons sélectionnés ont remporté une médaille d'argent, deux de bronze et deux places de cinquième. Les féminines intègreront les jeux à partir d'Athènes en 2004.
Le judo pour handicapés visuels est organisé au sein de la fédération française Handisport en très étroite collaboration avec la FFJDA. Avec laquelle elle est liée par un protocole d'accord.
Pour enseigner à des déficients visuels, il y a quelques principes à appliquer que l'on peut résumer avec les points suivants:
1/ En complément des démonstrations il faut bien sur donner des explications verbales très claires. Eviter de dire "faites comme ceci", "mettez votre pied là", "déplacer vous dans cette direction". Indications qui ont une référence visuelle mais qui ne représentent rien pour ceux qui ne voient pas!
Il faudra préciser quelle partie du corps entre en action, la direction droite ou gauche, intérieure ou extérieure, décrire la technique ou l'exercice à la vitesse réelle où ils sont exécutés afin de donner la notion de rythme d'exécution.
Il ne faudra cependant pas tomber dans l'excès verbal pour d'une part, ne pas lasser les judokas voyants, et d'autre part ralentir le déroulement du cours lui-même.
Cet exercice d'explications orales est d'ailleurs plein d'enseignement pour le professeur qui ira petit à petit à l'essentiel. Les points importants de la technique lui apparaîtront d'autant mieux.
2/ Il ne faut pas sous prétexte qu'il y a un aveugle dans le cours se focaliser sur lui. Un bon moyen d'accélérer l'explication c'est de l'inviter comme partenaire pour la démonstration. Le non-voyant complétera de lui-même sa compréhension en touchant les parties du corps non en contact avec lui (position des jambes, état de contraction des muscles mis en tension, jeu des différents leviers.
Il faudra faire en sorte de ne pas le mettre en point de mire des autres élèves afin de respecter son anonymat.
3/ Evaluer le judoka déficient visuel comme une individualité au même titre que les autres. Se renseigner sur ces capacités visuelles restantes. Il existe de nombreux types de lésions oculaires: acuité visuelle diminuée, champ visuel rétréci, sensibilité aux différentes intensités lumineuses, déformations de l'image perçue, etc.… Chaque cas donne des possibilités d'adaptations variées.
La réglementation internationale pour pouvoir participer aux rencontres handisports est comprise entre la cécité complète jusqu’à la vision inférieure à 1/10 au meilleur œil avec correction et, ou, moins de 5° de champ visuel.
Quelle que soit sa déficience visuelle, il ne faut pas considérer le judoka comme « handicapé » mais chercher à développer ses potentialités qui sont nombreuses.
4/ Pour ceux qui le nécessitent, commencez par l’orientation dans le dojo et sur le tatami. Un rapide tour des lieux donnera des repères pour le judoka, et très rapidement il n’aura plus besoin de personne pour circuler dans le dojo. Les aveugles ont la faculté d’écholocation qui leur permet, grâce au bruit ambiant de ne pas se heurter violemment contre un obstacle. Cela suppose bien sur que le dojo soit calme et que le cours se déroule sans bruits inutiles.
5/ Pendant le cours, donner des consignes suffisamment audibles pour aider le judoka à se localiser dans la salle. Ceci permet d’assurer la sécurité. Eviter de le saisir brutalement par le judogi pour le tirer ou le pousser comme un objet, mais plutôt lui proposer votre aide en respectant sa dignité. La mise en place des couples de travail gagnera en sécurité si un aveugle est sur le tatami, car l’enseignant y sera encore plus vigilant !
6/ Considérer le judoka déficient visuel comme les autres judokas. Ni surprotection, ni trop d’exigences. Attendez de lui une participation entière et un maximum d’efforts.
7/ L’idéal est l’intégration dans le cours traditionnel, mais si vous avez un groupe important de mal-voyants il est bon de les faire travailler ensemble pour l’initiation, et très vite de leur proposer de s’intégrer dans les cours avec les autres s’ils le désirent.
Pour les compétitions, et si leur niveau le permet, ils pourront soit combattre avec les clairs-voyants en se plaçant à distance de saisie avant le hadjimé soit participer aux compétitions handisports, du championnat de France jusqu’au niveau international. La réglementation étant celle de la FIJ hormis les sorties de tapis qui ne sont pas sanctionnées. IL faudra les informer sur la réglementation de l’IBSA (fédération internationale du sport pour aveugles).
8/ Etre à l’écoute des étudiants, leur demander de quel type d’assistance ils ont besoin. Ils ne voient pas, mais ils « entendent », souvent mieux que nous !
8bis/ Eviter les a priori : certain aveugle excellent dans le newaza car le corps à corps donne de meilleures informations sur la position de l’adversaire, mais certains aveugles sont très performants dans les balayages, d’autres dans les ukémis ou les katas. Aucun aspect du judo ne leur échappe à cause du handicap visuel. Tout est question de travail… Comme nous !
9/ Les judokas handicapés visuels ne veulent pas être regardés avec pitié ou charité. Ils désirent pratiquer comme nous et être appréciés dans la mesure de leur mérite et non par le fait qu’ils sont différents des autres pour un sens qu’ils ne possèdent pas. Ils font partie de la grande famille du judo.
10/ Avoir un judoka aveugle dans son cours enrichi l’enseignant, lui ouvre des pistes pédagogiques qu’il n’aurait jamais exploitées sans cela. Pour les autres élèves c’est une source d’ouverture d’esprit de connaissances nouvelles, et permet de façon concrète l’application du principe prôné par le maître Jigoro Kano : « entraide et prospérité mutuelle »
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